Tous ceux d’entre nous qui se sont déjà frottés au nouveau mode d’organisation des Aoc introduit au début des années 2000 ont pu remarquer la nécessaire mesurabilité de toute proposition d’amélioration pour qu’elle puisse seulement être examinée. Bienvenue dans le monde de la gouvernance par les nombres.
Ceux qui avaient tenté d’en montrer l’inefficacité et le risque avaient été renvoyés dans les cordes par le principe d’économie. Le président d’alors n’avait pas hésite à affirmer que la mise en place du triptyque élaboration de la norme – AVA, contrôle – ODG et évaluation – aujourd’hui Qualisud,était moins cher et plus efficace que le précédent : critères viticoles renforcés en amont, accompagnement pédagogique, limitation du nombre de vins dégustés en aval. Le temps que cette belle théorie, omniprésente dans les systèmes d’organisation actuels, se mette en place, soit 10 ans plus tard, nous sommes en train d’en vivre les dérives en matière de vins d’Alsace : plus coûteuse, contre productive et très peu démocratique.
Même en faisant abstraction des conséquences néfastes de la confusion AVA ODG qui entache cette belle théorie, ce ne sont donc plus les normes elles-mêmes, par exemple les rendements réels comme en 2018 et leur conséquence en matière d’offre qui comptent, mais bien la mesure de l’efficacité de la trilogie qui importe. Quels en sont les indicateurs ? Par qui et comment sont ils définis ?
Les prix de marche sans aucun doute. Le sujet qui fâche, après les kirikiki de 2019, lorsque et les volumes et la qualité du millésime 2018 étaient salués et allaient relancer la machine Alsace et qui n’a pas manqué de suciter la réaction du gendarme INAO. Ainsi les communales alsaciennes jugées trop peu valorisées ne sont-elles pas crédibles voire condamnées sur ce seul critère. Mais qui a pu discuter le principe proportionnel quasi implicite d’une hiérarchie de prix parallèle a une hiérarchie d’appellations ? Pourquoi nos vins mieux valorisés sont-ils néanmoins rejetés hors de signes de Qualité dont nous contribuons à maintenir une apparente signification et dont nous soutenons dans tous les cas la fair value ?
Un autre critère pour juger de la valeur du triouple d’une AOC est sans doute la proportions de vins jugés non conformes, que l’on peut comparer entre AOC distinctes. Pouvons nous connaître les objectifs assignés en la matière à nos AOC pour mieux comprendre le durcissement des rapports de dégustation ?
La mise au point concertée des mots du refus, le rappel à l’ordre des motifs alsaciens jugés non conformes témoigne de cette nécessite de pouvoir comparer des AOC pour juger de leur efficacité. Par contre elle méconnaît le « palais alsacien » et plus encore la fragilité culturelle de nos vins en regard d’un concept particulièrement français, centralisé et opaque. Il nous appartient d’en montrer les incohérences puisque, pour que la machine à consommer du chiffre (et à broyer les humains) tourne sur elle même et tente de maintenir les feux au vert, nous pourrions en être les boucs émissaires.
Oubliées les contreparties d’accompagnement, maintes fois réclamées notamment en section Grand Cru, toujours promises et finalement repoussées. Oublié l’humain avec ses composantes créatives. Trop coûteux, non mesurable à court terme, trop long à donner du résultat.
Les conséquences d’un tel système sont également connues et nous n’y échappons pas : souffrances psychologiques pour les plus fragiles, tentatives d’esquive pour les plus malins, mise en évidence des carences collectives, … Il faudra revérifier l’intelligence collective des Champenois qui non seulement combinent grandes et petites structures, gèrent et anticipent des volumes et permettraient de déguster des 000 avec ajout de liqueur et de So2 lors des dégustation de contrôle.
La perversité de cette gouvernance
appliquée au « bon élève alsacien » est redoutable et
devient criante. Bonne observation.